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Avoir une identité

Les décodeurs du parrainage : Épisode 6

droit à l'identité

Avoir un nom, connaître sa date et son lieu de naissance, sa filiation… autant d’informations personnelles qui attestent de l’existence de chacun et nous rendent unique. Premier des droits humains dont découlent beaucoup d’autres, le droit à l’identité ne semblerait n’être qu’une formalité…

Malheureusement, non.

Dans de nombreuses régions du monde, l’article 7 de la Convention des Droits de l’Enfant n’est pas respecté et les enfants ne sont tout simplement jamais déclarés à leur naissance. En 2019, le Fond des Nations Unies pour l’Enfance fait ce constat alarmant : 237 millions d’enfants de moins de 5 ans dans le monde n’ont pas d’acte de naissance, ils sont ce qu’on appelle des « enfants fantômes ».

Pourquoi ce n'est pas si simple ?

bureau enregistrement des naissances

Méconnaissance des procédures, coût prohibitif… dans certaines régions du monde, déclarer son enfant n’est pas un acte qui va de soi. Quelles sont les raisons qui empêchent tant d’enfants d’avoir une identité ? On fait le point :

Méconnaissance de la procédure d’enregistrement

Mais aussi de la nécessité d’un certificat de naissance dans les différentes étapes de la vie de leur enfant. Les parents ne savent pas comment le faire faire ni même à qui s'adresser, où se rendre. Souvent, eux-mêmes n’ont jamais été déclarés non plus.

Grande pauvreté des familles

Dans beaucoup de pays, la délivrance du certificat de naissance, voire même les démarches, sont payantes. Par exemple, à Madagascar, le revenu moyen mensuel est de 50 € et la procédure d’enregistrement coûte entre 15 et 16 €, soit un tiers du budget familial. Les familles, et notamment les plus nombreuses, font le choix de donner à leurs enfants de quoi manger plutôt qu’une identité légale comme vous l’explique Pape A. Niasse, chargé de programme jeune/protection pour ChildFund.

Eloignement des bureaux d’enregistrement

La distance entre le lieu de la naissance et le plus proche bureau de l’état civil est l’une des raisons principales pour laquelle les familles ne font pas enregistrer leurs enfants. Plus la distance est longue, plus la démarche va nécessiter du temps qui aurait pu être consacré au travail. A ce manque à gagner s’ajoute le coût de transport.

Le manque de moyens des administrations

photo admistration

Les Etats manquent de ressources dédiées à un système d’état civil fonctionnel et n’en font pas leur priorité. Le manque de moyens disponibles, la pénurie de locaux et le manque de fournitures pour avoir un système d’archivage sûr freinent également l’enregistrement des naissances.

La non-considération des réalités culturelles et communautaires

Par exemple, les formulaires d’enregistrement ne prennent en compte qu’une ou deux langues au niveau national, excluant toutes les familles ne communiquant que dans certains autres dialectes. Au Kenya, l’enregistrement des naissances est assimilé pour beaucoup comme un héritage de pratiques coloniales plutôt que comme une procédure essentielle, de fait, certaines familles décideront de ne pas déclarer leur enfant. L’analphabétisation de certains parents est également un frein car ils sont dans l'incapacité de comprendre et de remplir les formulaires.

identité problèmatique

La place des enfants dans la société

Celle-ci n’est pas valorisée partout et il n’est pas jugé nécessaire, dans bien des régions du monde, de déclarer son enfant. Dans certains pays, l’enregistrement des naissances n’est tout simplement pas considéré comme un droit fondamental et les autorités politiques, législatives ou administratives n’incitent pas les familles à déclarer leurs enfants.

Le manque de considération des femmes dans la société

Dans beaucoup de pays, seul un homme – le mari, ou l’homme le plus âgé de la famille par exemple - a le droit de déclarer aux autorités locales l’enfant qui vient de naître. Lorsque celui-ci est absent, l’enregistrement prend, au mieux, du retard, ou alors ne sera jamais réalisé. Une mère célibataire rencontrera des difficultés particulièrement contraignantes, voire insurmontables, pour déclarer son enfant.

Paroles d'experts

droit à l'identité difficulté

Sans existence légale, nous allons voir que chaque enfant peut se retrouver en grande difficulté tout au long de sa vie, que ce soit pour aller à l’école ou fonder une famille. Sans identité, le risque d’abus et d’exploitations des enfants est également démultiplié. Nos experts passent au crible les nombreuses menaces pour les enfants privés d’identité.

Frein considérable à la scolarisation

Les enfants ne peuvent pas entrer à l’école car il n’est pas possible de démontrer leur âge ; il est impossible de passer certains examens scolaires ni obtenir de bourse. Par exemple au Sénégal, pour passer l’examen d'entrée en 6e ou en 2nd il faut présenter son certificat de naissance comme nous l’explique en vidéo Yankoba Massaly , inspecteur de l’éducation et de la formation au Sénégal. En Indonésie, c’est pour l’entrée au collège que ce document est nécessaire.

Frein pour de nombreuses démarches administratives 

Avoir une carte d’identité, passer le permis de conduire, pouvoir voter, ouvrir un compte, se marier légalement, etc. Toutes ces démarches ne peuvent se faire si l’on est dans l’incapacité de prouver qui on est…

Difficulté d’accès aux soins

En effet, sans protection sociale de l’Etat, les soins ont un coût qui peut devenir prohibitif pour celles et ceux qui, là encore n’ont pas la possibilité de prouver leur identité.

Risques d’abus et d’exploitation des enfants

chloé baury droits des enfants

Chloé BAURY, Chargée de programmes Un Enfant par la Main, experte en protection de l’enfant et membre du Groupe Enfance nous explique :

Sans identité, les enfants n’ont pas de droits. Sans acte de naissance, les enfants ne sont pas protégés et peuvent devenir les victimes d’abus et d’exploitations de tout type : travaux forcés et dangereux, traite d’enfants, exploitation sexuelle, enrôlement dans l’armée, participation aux conflits ou encore devenir les victimes d’un système judiciaire non adapté. De plus, l’absence d’enregistrement des enfants favorisent même les abus à leur encontre , les trafiquants ciblant les zones géographiques où les taux d’enregistrement sont faibles.

De plus, l’absence de certificat de naissance est une véritable entrave pour les organisations non gouvernementales qui ainsi sont amenées à sous-estimer le nombre d’enfants, et de personnes en général, nécessitant réellement d’être soutenus et protégés.

Dans les coulisses de l'Association

enregistrer les naissances

Le droit à l’identité est l’une des actions prioritaires pour protéger les enfants et leur permettre de devenir acteurs autonomes au sein de leur communauté. Zoom sur les différentes solutions (non exhaustives) qu’il est possible de mettre en place avec les associations locales, les collectivités et bien sûr les familles pour accroître sensiblement et durablement les inscriptions à l’état civil !

Sensibilisation des familles et leur accompagnement pour comprendre l’importance des certificats de naissances et la nécessité des démarches, et ce, dans l’écoute, le respect et le partage des us et coutumes. Par exemple, au sein des programmes de développement, nous travaillons avec les femmes des communautés qui souhaitent s’investir davantage auprès de leurs pairs en tant que « mères-guides ». Les mères-guides vont ainsi accompagner les jeunes parents dans leur parentalité, et notamment vont expliquer l’importance des certificats de naissance et aider dans les démarches nécessaires. En savoir plus sur les Mères-Guides.

Implication et formation des autorités locales, des centres de soins et des maternités rurales pour qu’ils puissent sensibiliser à leur tour les familles à déclarer leur enfant le plus tôt possible ;

Développement de relais forts entre les autorités locales et les communautés. C’est le cas par exemple en Ethiopie, nous travaillons avec des responsables (ou leaders) particulièrement influents et respectés au sein de leur propre communauté afin qu’ils accompagnent les projets de certificats de naissance. Ces membres de la communauté sont appelés des parajuristes communautaires. Ils fournissent des conseils juridiques sur les droits et protection aux familles vulnérables et mettent à disposition des informations sur la naissance, l'enregistrement à l’état civil, ou encore les testaments et la planification des successions. Les parajuristes communautaires organisent également des discussions avec les soignants et les leaders d'opinion locaux pour faciliter le dialogue sur les droits de l'enfant et les mesures de protection requises.

Leila (le prénom a été modifié) est parajuriste Communautaire à Meki, ville au centre de l'Ethiopie et a été formée par Childfund Ethiopia. Elle témoigne :

Fiches membre (1)

Je recherche attentivement les enfants qui sont exploités et ceux qui ne peuvent pas aller à l'école. Je suis consciente de trafic d'enfants, viols, enlèvements, etc. et donc les suis de près. Quand je viens avec des preuves, je signale à la police et au bureau des femmes les affaires de l'enfance et de la jeunesse. Si besoin est, je me tiens comme un témoin. J'aide également les enfants soutenus par le projet à avoir des actes de naissance. Cela me donne satisfaction et me remonte le moral, car je peux agir pour les autres, pour les enfants.

  • Renforcement des capacités des bureaux d’état civil, comme par exemple en développant l’équipement en système informatique, en formant le personnel à des pratiques plus efficaces, rapides, sécurisées et moins onéreuses ;
  • Mise en place de bureaux d’état civil ambulants, qui viennent à la rencontre des familles les plus éloignées des villes et permettent également l’organisation d’enregistrements à l’état civil de manière rétroactive et à grande échelle !
  • Développement des activités génératrices de revenus pour que les parents puissent payer les frais des formalités administratives ou des déplacements, comme par exemple soutenir les femmes dans la création de petits commerces. Cela a également un impact fort pour l’autonomie des femmes en général et leur place au sein des familles et de leur communauté ;
  • Sensibilisation des enfants sur leurs droits pour qu’ils soient conscients de leurs droits et puissent en devenir les ambassadeurs ! Par exemple, à Madagascar, nous organisons des ateliers artistiques pour transmettre de façon ludique les informations essentielles sur les droits, tout en développant la participation des enfants.

Regards d'enfants

Nous avons rencontré Awa, El Hadji et tant d'autres enfants et adolescents au Sénégal qui nous expliquent avec leurs mots la nécessité d’avoir un certificat de naissance pour leur avenir, les difficultés rencontrées par les parents et ce que le certificat leur a permis d’obtenir. Retrouvez ces témoignages en vidéo !

Awa Leye, Sénégalaise, a obtenu son certificat de naissance à l’âge de 16 ans, et a passé son examen, une formidable victoire !

El Hadji Diaw, 7 ans, a obtenu son certificat de naissance et a pu entrer à l’école !

témoignage enfants
témoignage

Pour aller plus loin

Ecouter le podcast « Rêves d’enfants », le podcast d’un Enfant par la Main, épisode 5 : le droit de chaque enfant d’avoir une identité .

En parrainant un enfant, vous contribuez à faire respecter et appliquer le droit de chaque enfant à une nutrition saine et complète. 
Merci pour votre soutien !

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